27 février 2011

Généralités affligeantes sur le cochon industriel français

Extrait de "Le livre noir de l'agriculture", Isabelle Saporta, Fayard, 2011

"Dans le porc, comme dans la volaille, les tenants d'une agriculture intensive ont choisi de rendre productif l'animal de rente. Il a donc fallu se débarrasser de tous les élevages à taille humaine, jugés trop passéistes. On a préféré concentrer les animaux au sein de bâtiments high-tech qui ont coûté les yeux de la tête aux éleveurs. Aujourd'hui, ces derniers sont incapables de rembourser leur emprunt. Pour s'en sortir, ils cherchent à produire toujours plus, dans le fol espoir de gagner plus. Mais les lois du marché sont ainsi faites que plus l'offre est importante, plus les prix sont bas. La quantité ne paie pas, la qualité si. Cependant, de cette dernière, les éleveurs de porcs se sont progressivement éloignés. Comme les porcs ont été parqués dans des espaces exigus et qu'ils échangent miasmes et maladies en tout genre, ils passent leur vie sous perfusion d'antibiotiques. [...]

Tout a commencé quand de savants agronomes ont décidé de jeter la paille aux orties, le fumier aux oubliettes, et de mettre à l'honneur le caillebotis. Grâce à ce grillage sur lequel les animaux s'agglutinent, leurs déjections glissent sous eux. Non seulement la bête vit confinée dans d'atroces odeurs d'ammoniac et d'excréments, mais ce mélange douteux, baptisé lisier, est une véritable plaie pour l'environnement. [...] Un chercheur fou a eu alors l'idée géniale de créer des stations de retraitement des excréments. Mais elles nécessitaient des investissements colossaux. Il fallait donc les adosser à des élevages gigantesques. Au final, pour résoudre le problème posé par le lisier, on a agrandi les élevages et aggravé la situation. Pollution de l'eau et algues vertes sont devenus le lot quotidien de la région Bretagne.




De plus, comme on a éloigné les bêtes des prairies pour les concentrer dans des élevages hors sol (1),  il a fallu trouver un moyen astucieux et peu onéreux de les nourrir toute l'année : le maïs. On avait simplement omis un petit détail : le maïs consomme une quantité d'eau astronomique. Pourquoi en-a-t-on planté partout, alors? Et surtout comment se fait-il que les agriculteurs le trouvent si rentable? Parce qu'il est, à partir du moment où ce ne sont pas les paysans qui paient la facture d'eau, mais nous, pauvres consommateurs (2). On paie notre nourriture et la facture d'eau nécessaire à sa production. Ce n'est pas tout. Le maïs ne va pas sans soja. Cette dépendance expose les revenus de nos agriculteurs aux aléas des marchés mondialisés et ruine les petits paysans du bout du monde, contraints de produire pour nos bêtes plutôt que nourrir leurs familles. Le régime maïs-soja que l'on sert à nos animaux de rente est truffé d'oméga 6 et manque cruellement d'oméga 3. Or ce déséquilibre est cause d'obésité et favorise cancers et maladies cardio-vasculaires. Après la facture alimentaire et écologique, le consommateur paie donc, au prix fort, la facture santé.[...]

Au final, un agriculteur exsangue et désespéré, un consommateur suspicieux à raison, et une facture sociale, environnementale et de santé publique astronomique (3)."


Vidéo : Le cauchemar des cochons


(1) Ce qui signifie que les animaux n'ont jamais aucun lien charnel avec la Terre et ses boues dont le contact, certes fonctionnel, mais aussi jouissif et bienfaisant - il n'y a qu'à les voir s'y rouler avec plaisir dans les élevages à taille humaine - ne leur sera désormais plus permis! (Ndb - Note du bloggeur)
(2) L'auteur pèche sans doute volontairement par excès de misérabilisme. Un consommateur informé, conscient et soucieux de se respecter lui-même autant que son environnement sortirait peut-être de cette posture confortable de victime et d'àquoiboniste qui le soustrait à l'action. Car seul, avec les moyens du bord, comme la diffusion de l'information au plus grand nombre, ou collectivement avec d'autres, il est toujours possible d'agir et de se sentir, non plus seulement concerné par elle, mais aussi impliqué dans la marche du monde. (Ndb)
(3) ...et des animaux, on l'aura compris mais il est utile de le rappeler, qui font l'objet d'une odieuse et inadmissible maltraitance. (Ndb)

A suivre...


L'agriculture française et ses ombres

Au cours des quelques semaines à venir, je communiquerai ici même quelques extraits de l'ouvrage "Le livre noir de l'agriculture" de Isabelle Saporta. Pourquoi? Par simple indignation. Indignation à l'égard de la manière dont certains agriculteurs et éleveurs français traitent la nature et les animaux. Indignation parce que ces mêmes agriculteurs ne peuvent parfois pas faire autrement et portent atteinte à leur propre santé. Indignation parce que l'agriculture et l'élevage productivistes mettent en danger la santé des consommateurs avec un cynisme mercantile inacceptable. Indignation parce qu'elles contribuent à la destruction de notre environnement. Puissent ces extraits et les éventuels commentaires qui seront les miens vous inciter à vous indigner à votre tour. Tenter, avec humilité, de comprendre la complexité de notre monde est une chose. Ne pas ou ne plus accepter l'inacceptable en est une autre.




 "Dépensière en eau et en pesticides, pollueuse, onéreuse, elle [l'agriculture] sacrifie les paysans et met leur santé et la nôtre en danger. Malgré son coût prohibitif - le budget de la politique agricole commune atteint 57 milliards d'euros en 2010, soit 44% du budget de l'Union -, l'agriculture actuelle ne respecte ni le pacte social qui la lie aux paysans, ni le pacte environnemental qui la lie aux générations futures, ni même le pacte de santé publique qui la lie à nous tous. Les agriculteurs ne s'en sortent plus. Les ressources d'eau sont gaspillées, polluées. Nous retrouvons chaque jour dans nos assiettes notre dose de pesticides et autres résidus médicamenteux. La confiance est perdue. L'agriculteur est injustement voué aux gémonies, lui qui n'est que le bouc émissaire d'un système qu'il subit."

A suivre...