15 juillet 2011

Pour bien gouverner la cité, connais-toi toi-même...

Le Monde des religions sort pour l'été un numéro intitulé "Les sagesses chinoises". Frédéric Lenoir, spécialiste français émérite des religions, signe l'éditorial et commence (fort) par une citation d'Alcibiade: "Pour prétendre gouverner la Cité, il faut apprendre à se gouverner soi-même." C'est sans doute vrai pour la politique où il s'agit du lien avec les citoyens.

Mais ne serait-ce pas vrai pour ce qui concerne le management en entreprise où le lien s'établit avec des salariés? Que dire du couple et du lien à l'autre? De la famille et des enfants? Des amis? Certes il ne s'agit pas de "gouverner" pareillement des citoyens, des salariés, un partenaire, des enfants et des amis. On le comprend bien.

Connaissant un peu les sagesses chinoises, puisqu'il s'agit du thème central du magazine, il serait sans doute plus éclairant d'entendre "gouverner" par "s'harmoniser". Dès lors les choses prennent un autre sens et laisse sourdre un enjeu de taille. Car en effet comment s'harmoniser avec la cité et les citoyens quand on est un homme politique? Avec une femme quand on est un homme et inversement? Avec des enfants, des amis?

Ne s'agit-il pas en effet de s'harmoniser d'abord avec soi-même c'est-à-dire de "débarrasser" nos relations au monde et aux autres de cet ego, parfois polluant, qui nous fait imaginer les besoins d'un citoyen, d'un partenaire, d'un enfant ou d'un ami, qui nous fait interpréter plutôt que d'écouter, de comprendre et de s'harmoniser avec eux? Bien sûr il ne faut pas entendre "s'harmoniser" comme on dirait "se plier" ou "s'effacer" voire "s'annuler".

Les sages chinois conçoivent l'harmonie comme un voie de sagesse qui consiste à trouver l'attitude juste, au moment juste, en fonction de la situation et dans la juste confiance. Ni trop, ni trop peu. L'humilité est donc au rendez-vous. Et pourquoi donc? Sans doute parce l'autre en moi, l'autre en face de moi et plus largement le monde sont une "terra incognita". Et face à l'inconnu, le milieu juste vaut finalement mieux que le juste milieu. Mais cela demande de faire un effort...

Un fan de l'Empire du Milieu.

Il paraît que c'est l'année Jung...

Après avoir été "maudit", Jung dont la vie et l'oeuvre ne figurent pas toujours au programme des facs de psycho, serait aujourd'hui en odeur de sainteté. C'est une très bonne nouvelle ! Psychologie Magazine affirme dans son dernier numéro qu'il est à la mode. Même si cette expression, sans doute un effet de communication, paraît un peu suspecte, on ne peut que s'en réjouir.

Clinicien doué et assidu, l'homme, au cours de sa vie, fait lui-même l'expérience douloureuse d'une confrontation avec le monde de l'inconscient et en tire des conclusions proches de ce que la Sagesse chinoise évoque dès le VIème siècle avant JC : regardes l'inconnu devant toi, avances et vis ta vie en harmonie avec ta part d'ombre et celle du monde, connectes-toi au Tao, cette dynamique naturelle et spontanée de toute chose, laisses le Yin et le Yang, énergies opposées et complémentaires, effectuer leur danse incessante. Celle de la vie.

Mystique Carl Gustav? Tout simplement un homme qui s'est confronté aux paradoxes et aux mystères du vivant, un homme qui substitue au dogme et à la volonté de puissance, un art de vivre issu d'une dialectique féconde entre le moi et l'inconscient. Dès lors la poésie, l'art, le mythe, la matière et l'énergie (libido) sont convoqués pour façonner ensemble, parfois à notre insu, un chemin de vie qui se construit en avançant. Pourquoi faire? Pour construire le sens qui nous manque. Et dans la souplesse.

Avec Jung, l'Orient n'a plus le monopole de la Sagesse et de la Spiritualité laïque. Viviane Thibaudier, psychanalyste jungienne depuis plus de trente ans, vient d'écrire chez Eyrolles "100% Jung". Un bon moyen de se familiariser avec la pensée riche, profonde, complexe et toujours étonnante d'un homme que l'on pourrait qualifier d'archéologue de la psyché humaine empruntant à tous les regards de la culture et des connaissances. Un grand homme. Sans doute un chaman des temps modernes qui nous réconcilie avec la dimension sacrée de la metaphysique et de la transcendance. Un bâtisseur de sens pour lui-même et pour chacun.